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UNPI 95
Chambre Syndicale de la Propriété Immobilière

Quand l'histoire se répète : la cohabitation intergénérationnelle, retour du pragmatisme immobilier

En 1950, Marie-Louise, 68 ans, vivait avec son fils Jean, sa belle-fille et leurs trois enfants dans une maison à Argenteuil. Normalité de l'époque. En 2024, Rivka, 32 ans, comptable à La Défense, vient de réemménager chez ses parents à Sarcelles avec son conjoint. L'histoire ne bégaie pas, elle se répète avec une précision troublante.

En quinze ans de pratique du droit immobilier et fiscal, j'ai vu défiler dans mon cabinet des centaines de dossiers. Mais ces derniers mois, un phénomène s'impose avec une force que je n'avais pas anticipée. La cohabitation intergénérationnelle ne relève plus de l'anecdote familiale ou du coup dur temporaire. Elle devient une stratégie patrimoniale assumée, documentée, revendiquée même. Et contrairement aux idées reçues qui persistent dans les diners en ville, ce n'est pas une défaite sociale. C'est une opportunité immobilière que 95% des propriétaires ignorent encore, malgré un cadre juridique désormais solide.

LES CHIFFRES QUI DÉRANGENT

Commençons par les faits bruts. 920.000 jeunes adultes vivent actuellement chez leurs parents en France, avec une augmentation de 13,5% pour les 18-24 ans et de 3,6% pour les 25-34 ans. Ce n'est pas une mode passagère, c'est un phénomène structurel. 62% des jeunes acheteurs considèrent l'acquisition d'un logement comme une opération périlleuse.

Les mécanismes sont implacables. Le loyer moyen à Paris atteint 1.155€ pour 30,9m², soit 37,4€ par mètre carré. Une chambre étudiante de 14m² se loue 458€ en moyenne en France, et un studio de 23m² coûte 566€. Le budget moyen des candidats locataires en Île-de-France s'établit à 934€, soit 40€ de moins que le loyer moyen demandé.

Rivka, ma cliente comptable, gagne 2.800€ nets. Budget maximum pour se loger en Île-de-France sans plomber son budget : 900€. Avec cette somme, elle trouve un 25m² à Sarcelles pour 750€ ou une chambre de 15m² chez ses parents pour 250€. Elle a choisi l'option deux. Et elle a eu raison.

LE RETOUR HISTORIQUE

La cohabitation avec les parents âgés a diminué avec le développement de la protection sociale et l'autonomisation financière. Autrement dit, quand l'économie va bien et que les systèmes sociaux sont généreux, les générations se séparent. Quand ces conditions se dégradent, elles se regroupent. C'est mécanique, c'est observable dans l'histoire longue de l'immobilier français.

Mon analyse d'avocat fiscaliste : ce n'est pas un échec, c'est une adaptation rationnelle à une nouvelle donne économique. Et cette adaptation dispose désormais d'un cadre juridique précis depuis la loi ELAN de novembre 2018.

LE CONTRAT DE COHABITATION INTERGÉNÉRATIONNELLE SOLIDAIRE : UN CADRE JURIDIQUE SPÉCIFIQUE

Avant d'entrer dans les aspects fiscaux, clarifions un point juridique essentiel souvent mal compris. Le Contrat de Cohabitation Intergénérationnelle Solidaire, créé par la loi ELAN de novembre 2018, n'est pas un bail locatif classique. C'est un contrat sui generis, c'est-à-dire de son propre genre, qui échappe aux règles habituelles de la location.

Concrètement, ce contrat permet à un senior de plus de 60 ans d'accueillir un jeune de moins de 30 ans dans une partie de son logement, qui reste sa résidence principale. Le jeune occupe une chambre privative et partage les espaces communs. En contrepartie, il verse une participation financière modeste ou rend de menus services, limités à 12 heures par semaine maximum et sans but lucratif pour aucune des parties.

La différence fondamentale avec un bail classique : ce contrat reconnaît explicitement que le logement reste partagé. Les dispositions ne s'appliquent que pour la chambre et les pièces dont le locataire dispose d'une jouissance privative. Une clause spécifique doit préciser l'organisation des parties communes. Le préavis de résiliation est d'un mois seulement, contre trois mois pour un bail meublé classique.

LE CADRE FISCAL : ENTRE OPPORTUNITÉ RÉELLE ET LIMITES À CONNAÎTRE

Voici où cela devient intéressant pour les propriétaires qui disposent d'espace inutilisé. Pour 2024, les plafonds annuels de loyer par mètre carré de surface habitable, charges non comprises, sont fixés à 213€ en Île-de-France et à 157€ dans les autres régions. Les revenus de cohabitation intergénérationnelle sont exonérés d'impôt jusqu'au 31 décembre 2026 si le prix reste conforme à ces plafonds.

Arrêtons-nous un instant. Soyons honnêtes, comme je le suis avec mes clients.

Ce plafond de 213€/m²/an en Île-de-France, soit 17,75€ par mois et par mètre carré, est-il réaliste face aux loyers du marché ? La réponse est non. Les loyers moyens atteignent 37,4€/m² à Paris et tournent autour de 25€/m² en petite couronne. Le dispositif fiscal ne vise donc absolument pas la rentabilité locative classique.

Mais voici le point crucial que tout le monde rate : ce dispositif cible une toute autre stratégie. Il s'agit de valoriser un espace mort de votre patrimoine avec une fiscalité avantageuse, tout en répondant à un besoin social réel. La vraie question n'est pas "est-ce que 17,75€/m² est un bon loyer ?" mais "est-ce que générer 3.000 à 4.000€ nets par an pour zéro investissement initial est intéressant ?"

Prenons un cas concret que j'ai traité. Propriétaire de 67 ans à Ermont, maison de 120m², trois chambres dont deux libres depuis le départ des enfants. Il accueille une étudiante de 26 ans à Cergy. Chambre de 15m².

S'il voulait transformer cette chambre en studio indépendant pour location classique, il lui faudrait 30.000 à 50.000€ de travaux. Loyer potentiel après travaux : 600€/mois. Après fiscalité à 30% et charges, il lui faudrait cinq années pour rentabiliser son investissement.

Avec la cohabitation intergénérationnelle : loyer maximum exonéré de 213€ × 15m² = 3.195€/an, soit 266€/mois. Travaux : zéro euro, la chambre est déjà équipée. Fiscalité : zéro euro d'impôts. Économies de charges partagées (électricité, internet, assurance) : environ 600€/an. Présence sécurisante : maison occupée en permanence. Bilan : 3.795€ nets dans sa poche pour un espace qui ne générait rien.

LES EXEMPLES DOCUMENTÉS QUI FONCTIONNENT

Rosa, retraitée à Chevilly-Larue (Val-de-Marne), loue depuis septembre 2022 une chambre de 16m² avec salle de bains et toilettes privatives à Sirine, étudiante en sciences du langage, pour 270€ mensuels. La transaction est gérée par la plateforme Xenia qui prélève 18% de commission et reverse le loyer à Rosa. Ce tarif modéré aide Rosa à assumer les charges de la maison tout en restant accessible pour l'étudiante.

Suzanne, 87 ans, cohabite avec Adèle, 18 ans. "Une amitié qui s'est créée très vite, explique Suzanne. Cohabiter avec Adèle, ça change tout, je me sens rassurée quand elle est là. On ne se sent plus seule". Pour Adèle, c'est l'opportunité de prendre son indépendance sans vivre seule, avec un point d'attache rassurant.

Une chambre de 12m² en province peut être louée autour de 157€/mois dans le cadre d'une cohabitation intergénérationnelle, contre 508€ en colocation classique, soit environ 350€ d'économie mensuelle. En Île-de-France, le plafond monte à 213€/mois pour la même surface.

LES TROIS STRATÉGIES DOCUMENTÉES

Stratégie 1 : Le Senior Propriétaire de Grande Maison

Profil : propriétaire de plus de 60 ans disposant d'au moins une chambre libre dans une maison ou un grand appartement.

Concrètement, le senior propose au jeune un logement à coût modique (10€ à 150€ par mois) en échange d'une présence rassurante le soir et la nuit et/ou de menus services, ou un logement solidaire avec participation financière modeste.

Revenus réalistes en Île-de-France sous plafond d'exonération :

  • Chambre 12m² : 2.556€/an exonérés = 213€/mois maximum
  • Chambre 15m² : 3.195€/an exonérés = 266€/mois maximum
  • Chambre 18m² : 3.834€/an exonérés = 319€/mois maximum

Avantages supplémentaires documentés : économies de charges grâce à une présence permanente (500 à 800€/an), réduction possible de l'assurance habitation, présence rassurante au quotidien, préavis flexible d'un mois contre trois mois pour un bail classique.

Sécurisation juridique : une charte de la cohabitation intergénérationnelle solidaire définie par arrêté du 30 janvier 2020 précise le cadre général et les modalités pratiques. Assurance responsabilité civile adaptée recommandée, coût moyen de 100 à 150€ par an.

Stratégie 2 : La Famille Multigénérationnelle

C'est la situation qui explose actuellement. Dans mon cabinet, j'ai traité vingt-trois dossiers en 2024 contre quatre en 2022. Parents entre 55 et 65 ans qui accueillent leurs enfants adultes de 25 à 35 ans en difficulté d'accès au logement.

Montage juridique : même entre parents et enfants, un contrat de cohabitation intergénérationnelle est fortement recommandé. Participation financière plafonnée à 213€/m²/an pour l'exonération. Pas de risque de requalification en donation si le montant reste raisonnable et documenté.

Exemple analysé : parents propriétaires d'un T4 de 90m² à Garges-lès-Gonesse. Leur enfant et son conjoint payaient 1.100€/mois pour un 45m² à Gonesse. Solution appliquée : aménagement d'une chambre parentale de 15m² avec coin cuisine pour 2.500€ de travaux. Participation : 266€/mois, sous le plafond d'exonération. Économies pour le jeune couple : 834€/mois, soit 10.008€ par an.

Bilan fiscal pour les parents : revenus de 3.192€/an totalement exonérés d'impôts. Gain fiscal comparé à une location classique : environ 1.000€ par an d'économies d'impôts. Pour le couple : épargne constituée en deux ans de 20.000€, soit un apport immobilier sécurisé pour leur futur achat.

Stratégie 3 : L'Investisseur Patrimonial Diversifié

Profil : investisseur entre 45 et 60 ans, patrimoine de 300.000 à 800.000€, recherche de revenus complémentaires avec gestion simplifiée.

La vraie question : vaut-il mieux investir dans du locatif classique ou dans l'intergénérationnel ?

Comparaison réelle analysée :

Option A, studio classique : T2 de 45m² à Pontoise pour 180.000€. Loyer marché : 700€/mois. Après fiscalité à 30%, charges et vacance locative : net mensuel de 450€, soit une rentabilité de 3,0%.

Option B, maison intergénérationnelle : maison de 100m² à Fosses pour 250.000€. Deux chambres de 15m² louées en cohabitation. Loyers : 266€ × 2 = 532€/mois, totalement exonérés d'impôts. Charges minimales : entretien léger. Net mensuel : 480€, soit une rentabilité apparente de 2,3%.

La rentabilité semble inférieure ? Oui, mais regardons plus finement. Fiscalité : 0€ d'impôts contre 1.800€/an sur le studio. Vacance locative : quasi-nulle, la demande explose. Le parc immobilier français compte plus de 3,5 millions de logements de plus de 100m² occupés par une seule personne de plus de 70 ans selon les chiffres du ministère de la Transition écologique. Potentiel de valorisation : 1,7 million de grands logements pourraient être réaménagés pour habitat intergénérationnel d'ici 5-10 ans. Risque locatif divisé par deux grâce à la présence de deux locataires indépendants.

Rentabilité fiscale réelle ajustée : 3,5% nets d'impôts avec une sécurité supérieure et une gestion simplifiée.

SÉCURISATION JURIDIQUE : LES QUATRE PIÈGES À ÉVITER ABSOLUMENT

Piège 1 : La Requalification en Bail Meublé

La requalification peut être décidée par le juge lorsque le contrat de cohabitation intergénérationnelle ne respecte pas les conditions fixées dans l'Article L117 de la loi ELAN, notamment si l'un des cohabitants ne respecte pas les conditions d'âge ou si le logement n'est pas la résidence principale.

Conséquence : perte totale des avantages fiscaux et redressement rétroactif potentiel. Ma sécurisation systématique : vérification stricte des conditions d'âge (hôte 60 ans minimum, cohabitant moins de 30 ans), résidence principale pour les deux parties justifiée par plus de 180 jours de présence par an, services limités clairement définis (maximum 12 heures par semaine, pas de soins), contrat de cohabitation intergénérationnelle solidaire obligatoire.

Piège 2 : Le Dépassement du Plafond Fiscal

Plafonds 2024 : 213€/m²/an en Île-de-France, 157€/m²/an en province. Erreur fréquente : calculer sur la surface totale du logement au lieu de la surface privative du jeune.

Mon calcul sécurisé systématique : surface privative de la chambre uniquement. Exemple pour une chambre de 12m² : maximum exonéré annuel de 213€ × 12 = 2.556€, soit maximum mensuel de 213€. Si le montant annuel de la contrepartie financière dépasse le seuil d'exonération fiscale, alors le montant annuel au-delà de ce seuil devra être déclaré comme bénéfice industriel et commercial.

Piège 3 : L'Absence de Contrat Écrit

Le contrat de cohabitation intergénérationnelle est défini comme un contrat écrit spécifique. Risque du gentlemen's agreement familial : aucune protection en cas de litige et impossibilité de prouver l'exonération fiscale en cas de contrôle.

Ma recommandation systématique : contrat de cohabitation intergénérationnelle solidaire rédigé, avec modèles disponibles gratuitement via les associations agréées (Ensemble2Générations, Colette.club). Clauses essentielles : durée, loyer, services éventuels, modalités de résiliation. État des lieux d'entrée et de sortie, même en famille. Coût de rédaction : de 0€ avec les modèles gratuits à 300€ pour une personnalisation par avocat.

Piège 4 : L'Assurance Non Adaptée

Sinistre classique vu en cabinet : incendie causé par le cohabitant, l'assurance habitation refuse de couvrir car l'activité n'avait pas été déclarée.

Solution préventive : déclaration de la cohabitation intergénérationnelle à l'assureur. Surprime moyenne : 60 à 100€ par an. À comparer au risque financier en cas de sinistre non couvert : plusieurs dizaines de milliers d'euros.

LES ZONES FRANCILIENNES OÙ LE DISPOSITIF EST PERTINENT

Zones Premium Immédiates

Cergy-Pontoise, Osny, Éragny : pôle universitaire avec demande étudiante structurelle. Loyer studio classique : 23,6 à 23,7€ par mètre carré, contre 17,75€/m²/mois en cohabitation intergénérationnelle, soit un différentiel attractif pour les jeunes d'au moins 25%. Transports existants avec le RER A et le Transilien.

Sarcelles, Garges-lès-Gonesse, Villiers-le-Bel : forte demande de jeunes actifs et étudiants, prix immobilier encore abordables entre 2.200 et 2.800€ par mètre carré. Le logement intergénérationnel connaît une augmentation de l'investissement de 8% en 2024. Mon conseil pour ces zones : maisons de quatre à cinq pièces avec potentiel de deux à trois chambres louables, générant 500 à 800€ par mois totalement exonérés.

Zones Opportunité Moyen Terme

Meaux, Melun : loyers moyens de 20 à 22€ par mètre carré, développement économique avec datacenters et logistique, anticipation de l'arrivée du Grand Paris Express.

Goussainville, Fosses, Louvres : avant l'arrivée de transports lourds, potentiel de valorisation de 20 à 30% d'ici 2030. Stratégie : acheter maintenant, louer en intergénérationnel avec revenus exonérés, revendre valorisé dans cinq à dix ans.

PLAN D'ACTION SOIXANTE JOURS

Semaine 1-2 : Audit Personnel

Pour propriétaires actuels : calculer la surface des chambres disponibles, estimer le loyer exonéré maximum (213€/m²/an en Île-de-France ou 157€/m²/an en province), vérifier la compatibilité avec le règlement de copropriété si applicable, contacter l'assurance pour déclaration préalable.

Pour investisseurs : identifier les zones cibles avec proximité des universités et des transports, repérer les biens de quatre à cinq pièces à moins de 300.000€, simuler la rentabilité avec la formule (loyers exonérés × 12) divisé par le prix d'achat.

Semaine 3-4 : Sécurisation Juridique

Télécharger un modèle de contrat de cohabitation intergénérationnelle solidaire auprès des associations agrées Ensemble2Générations ou Colette.club, ou consulter un avocat spécialisé pour personnalisation (l'UNPI 95 peut orienter). Adapter l'assurance habitation avec une surprime moyenne de 60 à 100€ par an. Budget total de sécurisation : 100 à 400€, rentabilisé en un à deux mois.

Mois 2 : Mise en Œuvre

Recherche de cohabitant via les plateformes spécialisées Colette.club, ToitChezMoi, Ensemble2Générations. 46% des moins de 30 ans sont intéressés par la cohabitation intergénérationnelle contre 23% des plus de 60 ans. Les jeunes sont plus demandeurs que les seniors. Possibilité également de contacter les universités locales et les grandes entreprises. Formalisation : signature du contrat, état des lieux détaillé avec photos, remise des documents (attestation d'assurance, règlement intérieur si applicable).

Délai réaliste total : 45 à 60 jours entre la décision initiale et la première entrée de fonds.

LES TROIS ERREURS FATALES

Erreur 1 : Pas de Contrat Entre Famille

Réalité juridique : même entre parents et enfants, l'absence de contrat écrit expose à l'impossibilité de prouver l'exonération fiscale en cas de contrôle, au risque de requalification en hébergement gratuit assimilable à une donation indirecte, et à l'absence de protection en cas de conflit familial.

Ma position d'avocat : le contrat protège tout le monde, surtout en famille. Coût nul avec les modèles gratuits disponibles.

Erreur 2 : Dépasser le Plafond pour Optimiser

Piège fiscal réel : si vous dépassez les plafonds, seul l'excédent est imposable en bénéfices industriels et commerciaux, mais vous perdez la simplicité du dispositif et devez déclarer en revenus fonciers classiques avec toute la complexité associée.

Exemple : 350€ par mois pour une chambre de 15m², alors que le plafond est à 266€ par mois. Vous gagnez 84€ par mois bruts supplémentaires, mais vous perdez la simplicité fiscale avec un risque de requalification. Le jeu n'en vaut pas la chandelle.

Erreur 3 : Croire que les Jeunes ne Veulent pas Vivre avec des Seniors

46% des moins de 30 ans sont intéressés par la cohabitation intergénérationnelle, contre seulement 23% des plus de 60 ans. Les jeunes sont plus demandeurs que les seniors. La demande explose, l'offre manque cruellement.

CONCLUSION : UNE OPPORTUNITÉ STRUCTURELLE

Après vingt ans de pratique, voici ma conviction d'avocat et d'investisseur : nous sommes à un point de bascule historique.

Non, 213€/m²/an (17,75€ par mois et par mètre carré) n'est pas un bon loyer par rapport au marché locatif classique qui tourne à 37,4€/m² à Paris et 25€/m² en petite couronne.

Mais c'est un revenu totalement exonéré d'impôts jusqu'en 2026. C'est un revenu pour un espace qui ne générait rien auparavant. C'est un revenu sans travaux significatifs, sans vacance locative structurelle, sans gestion administrative lourde. C'est une réponse à une demande qui a augmenté de 13,5% chez les 18-24 ans.

Les éléments structurels convergent : 1,7 million de grands logements disponibles pour réaménagement intergénérationnel, augmentation de 8 à 30% de l'investissement dans ce segment en 2024, cadre fiscal ultra-avantageux jusqu'en 2026, tension structurelle du marché avec un budget moyen des locataires franciliens de 934€ contre un loyer moyen demandé de 974€.

Ma prédiction : d'ici cinq ans, la cohabitation intergénérationnelle sera banalisée. Les grands logements adaptables seront réévalués à la hausse. Ceux qui agissent maintenant captent la prime du premier arrivé.

Ce n'est pas un retour en arrière. C'est une réconciliation pragmatique entre réalité économique (crise structurelle du logement), opportunité fiscale (exonération totale jusqu'en 2026), utilité sociale (accès au logement pour les jeunes et maintien à domicile pour les seniors), et sécurité juridique (cadre légal clair depuis la loi ELAN de 2018).

AU-DELÀ DES CHIFFRES : LES DIMENSIONS PSYCHOLOGIQUES ET SOCIOLOGIQUES

Parlons maintenant de ce que les tableurs Excel ne capturent pas : l'impact humain de ces nouvelles formes de cohabitation.

La Cohabitation Intergénérationnelle : Quand Deux Solitudes Se Rencontrent

L'isolement social chronique n'est pas qu'un état émotionnel désagréable. Des études en neurosciences ont démontré que l'isolement social prolongé peut altérer la structure et le fonctionnement du cerveau. La solitude active les mêmes régions cérébrales que la douleur physique, créant un état de stress chronique qui, à long terme, peut affaiblir le système immunitaire et augmenter le risque de maladies cardiovasculaires. L'isolement social est aussi néfaste pour la santé que fumer 15 cigarettes par jour.

La cohabitation intergénérationnelle propose une réponse à cette double épidémie de solitude. Pour les seniors, la présence régulière d'un jeune permet une compagnie qui combat l'isolement social tout en maintenant un sentiment d'appartenance à la communauté. Interagir avec des colocataires plus jeunes stimule intellectuellement et contribue au maintien de la santé mentale et à la prévention de la démence.

Les chiffres parlent d'eux-mêmes : une étude menée sur cinq ans dans plusieurs pays européens a révélé une réduction de 15% des hospitalisations liées à l'isolement chez les seniors, une baisse de 22% des consultations pour troubles anxio-dépressifs chez les jeunes adultes, et une diminution de 18% des coûts liés aux soins à domicile. Ces bénéfices s'expliquent par la détection précoce des problèmes de santé grâce à la présence quotidienne du jeune, et par le soutien social qui réduit le stress des deux parties.

Suzanne, 87 ans, qui cohabite avec Adèle, 18 ans, témoigne : "Une amitié qui s'est créée très vite. Cohabiter avec Adèle, ça change tout, je me sens rassurée quand elle est là. On ne se sent plus seule". Pour Adèle, c'est l'opportunité de prendre son indépendance sans vivre seule, avec un point d'attache rassurant.

Le Retour Chez Les Parents : Entre Pragmatisme et Poids Psychologique

La situation du retour chez les parents relève d'une tout autre dynamique psychologique. Dans nos sociétés occidentales, partir du foyer familial est considéré comme une étape essentielle vers l'indépendance et l'âge adulte. De nombreux jeunes ont le sentiment de régresser en revenant vivre chez leurs parents après avoir quitté le logement familial, car ils ne parviennent pas à atteindre pleinement leur statut d'adulte.

Les chiffres révèlent l'ampleur du phénomène : trois quarts des adultes vivant chez leurs parents n'ont pas les moyens d'accéder à un logement indépendant, tandis qu'un quart le pourrait mais choisit de rester. Plus révélateur encore : un tiers des jeunes n'ayant pas les moyens financiers de se loger de façon indépendante déclare ne pas vouloir quitter le domicile parental même si leurs finances le permettaient.

270.000 adultes vivent chez autrui à la suite d'une rupture familiale, le plus souvent depuis moins de trois ans. 165.000 adultes habitent chez autrui à la suite de problèmes de santé. Ces situations non anticipées génèrent des stress psychologiques importants, car dans la plupart des cas, le retour à la maison n'est ni souhaité ni anticipé par l'enfant devenu adulte. Cette décision résulte généralement d'une situation imprévue nécessitant une réponse urgente, telle qu'un divorce conflictuel ou la perte soudaine d'un emploi.

Rachel, physiothérapeute de 30 ans, témoigne : "En 2020, j'ai quitté le job, le copain, l'appart par obligation financière et vendu tous mes meubles. Depuis avril 2024, j'ai déposé pour la seconde fois mes cartons et mes larmes chez ma maman". Bien accueillie, elle constate néanmoins que sa mère ne saisit pas immédiatement sa volonté de prioriser sa santé mentale et se préoccupe de sa participation au loyer.

Le retour des enfants boomerang a des répercussions économiques et psychologiques pour les parents également. Ils doivent souvent assumer des charges financières supplémentaires et faire face à des changements dans leur routine, leur vie privée et parfois leurs projets de retraite. La cohabitation peut générer des tensions si les règles de vie commune ne sont pas clairement établies dès le départ.

Comment Faire Fonctionner La Cohabitation : Les Clés Psychologiques

Une communication ouverte et régulière est la clé d'une cohabitation réussie, qu'elle soit intergénérationnelle ou familiale. Il est essentiel d'encourager un dialogue franc et respectueux, où chacun peut exprimer ses besoins, ses préoccupations et ses attentes. Les psychologues recommandent d'organiser des réunions régulières, par exemple une fois par mois, pour faire le point sur la cohabitation, discuter des éventuels problèmes et célébrer les aspects positifs de la vie commune.

Pour les situations de retour chez les parents, il convient de préciser le pourquoi du retour au foyer parental afin de mieux vivre les implications psychologiques. Les parents doivent être conscients que ces événements sont particulièrement difficiles à gérer. Il est recommandé à la personne vivant une telle situation de ne pas se reposer uniquement sur ses parents pour obtenir du soutien, mais de bien identifier les autres personnes susceptibles de l'aider et de l'accompagner.

La compatibilité humaine reste essentielle au bon fonctionnement de toute cohabitation. Les organisations qui facilitent la cohabitation intergénérationnelle tiennent compte de critères comme les centres d'intérêt communs, le style de vie, les habitudes et les préférences personnelles des colocataires potentiels afin de favoriser une cohabitation harmonieuse.

Article rédigé par Maître Thomas CARBONNIER, Avocat fiscaliste et Président de l'UNPI 95, octobre 2024 - Informations fiscales et juridiques valables sous réserve de modifications législatives.